Acquisition de talents : des outils novateurs au service de la dimension humaine

Acquisition de talents - Un recruteur et une ia dans un bureau, illustration - Skills Mag
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Logiciels ATS, intelligence artificielle, solutions pour créer des évaluations gamifiées et autres plateformes en tout genre, les recruteurs sont loin d’être démunis d’outils digitaux.
Ces innovations technologiques, si elles facilitent sans conteste leur quotidien, viennent-elles pour autant révolutionner un marché qui a entamé sa mue il y a plusieurs décennies et semble cheminer avec constance ?

Selon une enquête réalisée par Hellowork en mai 2022, consacrée aux usages des recruteurs, la publication d’offres demeure le meilleur moyen de pourvoir un emploi. Que cela passe par les plateformes de recrutement privées et publiques, ou les sites carrière des entreprises, les talent managers comme les candidats plébiscitent cet indétrônable procédé et, plus encore, sans sa version enrichie.

Pour autant, il n’est pas le seul sur le marché. Portée par « une évolution constante plutôt qu’une révolution », décrit Martin Villelongue, directeur exécutif chez Michael Page, la fonction de recruteur bénéficie directement des progrès de la technologie. « Le recrutement a déjà été fortement disrupté par l’arrivée d’internet, qui a facilité le fait de candidater, puis il y a une dizaine d’années, par les réseaux sociaux, notamment Linkedin », poursuit le responsable.

Sourcing : les plateformes de cooptation se démarquent

Les recruteurs et responsables des ressources humaines peuvent s’équiper de logiciels ATS. Ces systèmes de suivi des candidatures aident au pilotage de campagnes d’acquisition de talents dans leur globalité : extraction de profils, maintien de l’engagement des candidats, préparation à l’onboarding… 

Mais, « un processus de recrutement, c’est plusieurs étapes : trouver les candidats, les évaluer, les rencontrer… À chacune d’entre elles, des outils peuvent nous aider à gagner en efficacité et en finesse », rappelle Martin Villelongue.

Cooptation - Skills Mag

De nombreuses solutions ont vu le jour sur la partie sourcing. Les job boards, les moteurs de recherche et méta-moteurs, avec une requête bien paramétrées et un bon usage des opérateurs booléens, et les réseaux sociaux, y compris Facebook pour capter des candidats plus passifs, permettent aux recruteurs d’accéder à une indénombrable quantité de profils. Par exemple, selon une enquête Médiamétrie, réalisée en février 2022, la plateforme de Pôle emploi a recensé 8,5 millions de visiteurs uniques en un mois, celle d’Indeed, 6,2 millions et Régionsjob (Hellowork), 2,5 millions.

C’est compter sans les contacts récoltés via les sites carrières des entreprises qui proposent, pour certaines, des parcours très élaborés afin de répondre aux standards de l’expérience candidat. Ou bien ceux que rapportent les campagnes automatisées de recrutement programmatique, qui consiste à acheter aux enchères, en temps réel, des espaces publicitaires en ligne pour accroître la visibilité des offres et de la marque employeur.

Le recrutement par cooptation dans sa déclinaison digitale semble en particulier faire des émules. Il repose sur les recommandations de membres de réseaux externes ou internes à l’entreprise. Des plateformes de cooptation, à l’instar de Basile.io, Clever Connect ou Trusty facilitent le repérage de professionnels aux caractéristiques plus ciblées. 

S’appuyer sur les qualités d’ambassadeur des collaborateurs permet, au passage, d’impulser une dynamique de coopération en montrant que, pour réussir, l’organisation a besoin d’entraide. Une logique valorisante à double titre puisque ce coup de pouce peut faire l’objet d’une gratification financière. Les principaux avantages de la cooptation, un choix réalisé par 44% d’entreprises pour recruter leurs cadres en 2020, selon l’Apec, sont le gain de temps et de budget.

▶️ Talent Acquisition: les enjeux et outils

Source : Vincent Hogommat

Évaluation des candidats : de l’IA au recrutement de rue

Cependant, dénicher la pépite parmi la masse devient une tâche de plus en plus abyssale. L’évaluation des candidats et, surtout, de l’adéquation de leur profil avec le poste et la culture d’entreprise se révèle une étape critique.

Elle est plus délicate encore lorsque le recruteur décide de se passer de CV. L’idée, bien adaptée aux emplois pénuriques, aux postes basés sur des compétences transversales et aux profils atypiques, a le vent en poupe. Elle évite la reproduction de biais de recrutement et favorise une plus grande diversité des profils. 

C’est ce que défend Nicolas Morby, fondateur d’Éthypik. En 2020, cet ancien professionnel de la collecte de dons pour les ONG a fait le pari d’appliquer des méthodes identiques au recrutement. C’est ainsi qu’a germé le concept de street sourcing. « Nous aidons les entreprises à aller là où, habituellement, elles ne sont pas, comme les quartiers prioritaires », afin de chercher les candidats là où eux sont « pour leur proposer du travail et d’exprimer leurs différents talents », explique-t-il. 

Si la jeune société accompagne les entreprises dans leurs recherches, elle intervient aussi dans l’évaluation des compétences et des profils rencontrés en vue de leur sélection. Sans CV, bien entendu. « Nous soumettons les candidats à un questionnaire conçu pour détecter les soft skills et nous lui demandons de raconter leur histoire, ce que le CV ne permet pas. Pour des personnes éloignées de l’emploi ou qui manquent de codes, les CV, lettre de motivation et job boards, ça ne fonctionne pas. Et cela les renvoie à la perception qu’ils peuvent avoir d’eux-mêmes ». 

Cette première étape est complétée par des mises en situation virtuelles afin de parfaire le profil de compétences édité par un logiciel maison, voire de coacher les candidats sur les points à renforcer. Comme pour tout recrutement, l’objectif est d’associer le bon poste à la bonne personne.

Pour ceux qui souhaiteraient sauter le pas et abandonner le CV, mais également pour les défenseurs de méthodes plus classiques, la technologie réserve, sans surprise, son lot d’outils dédiés. 

On ne présente plus le matching. Grâce à l’analyse combinée de données de masse sur la personne, le poste et l’entreprise par un algorithme de l’intelligence artificielle, le recruteur peut identifier le mariage parfait.

Il existe, en outre, des outils en ligne strictement dédiés à l’évaluation. « Les tests proposés à l’origine sont aujourd’hui beaucoup plus poussés du point de vue cognitif. Cela prend aussi la forme de jeux de rôle », rappelle Martin Villelongue, en référence aux nombreuses solutions de gamification. « Même s’il est difficile d’avoir un regard prospectif pertinent », l’expert de chez Michael Page pressent que la prochaine vague d’évolutions portera probablement sur « l’aval du recrutement ».

L’employeur peut également recourir à la présentation vidéo des candidats. Appliquée à ce type de dispositifs, l’IA peut actuellement analyser le contenu lexical de la présentation, le débit et le ton de la voix, ainsi que les micro-expressions du visage. Si ces informations peuvent servir à compléter le traitement humain, elle ne saurait s’y substituer. C’est d’ailleurs la limite que posent certains acteurs de la HR Tech, soulignant que l’IA ne permet pas d’apporter de réponse scientifique aux questions qu’elle soulève.

Les technologies du recrutement, sans limite ?

Technologies de recrutement - Skills Mag

Marion Cosar fait justement partie des prudents. Pour la directrice générale de l’École du recrutement, l’innovation est un terme à manier avec précaution. Sans exclure de bonnes trouvailles, propices à l’amélioration des conditions d’exercice des recruteurs, elle estime ne pas avoir constaté, ces dix dernières années, la percée de véritables outils novateurs. « Big data, IA, métaverse… Je ne vois rien de tout cela dans leur quotidien. Ils ont toujours du mal à trouver des candidats et à communiquer avec les opérationnels », déclare-t-elle. 

Aussi, le crédo de l’organisme de formation est-il de revenir aux fondamentaux. « C’est un métier qui ne s’apprend pas dans les cursus académiques, mais sur le tas. Notre but est de valoriser cette mission, de la professionnaliser et d’apporter des réponses de qualité à des problématiques pratiques et [récurrentes] à travers des parcours de formation » et, en parallèle, « de fédérer une communauté », à travers des événements ponctuels.

Pour la dirigeante, les principales préoccupations des recruteurs sont de « répondre aux enjeux des hiring managers, d’avoir les moyens de faire le job correctement et de bénéficier d’une meilleure reconnaissance de leur fonction ». Elle constate aussi que la diversification des viviers de recrutement et l’inclusion sont des thématiques qui s’imposent.

De son côté, Nicolas Morby considère que l’innovation doit servir à toucher « les candidats invisibles, la seule cible auquelle les cabinets n’ont pas accès. C’est de donner une identité numérique à des gens qui n’en avaient pas ». Et le retour aux basiques qu’évoque Marion Cosar, il en parle aussi à sa façon : « Nous voulons opérer un retour aux sources, recréer le café du village, avec deux personnes qui échangent au sein de l’espace public, sur un pied d’égalité. Les RH avec lesquels je travaille vont nous dire [qu’ils] ne veulent pas d’une énième plateforme digitale, mais de candidats qui se présentent et ont envie de faire le job ».

Chez Michael Page, Martin Villelongue ajoute : « Chaque étape peut être disruptée, mais, heureusement, les innovations technologiques ne se substitueront jamais au recruteur. Après vingt ans d’expérience, j’ai toujours la conviction que le 100% technologique est une idée farfelue et périlleuse du point de vue de l’éthique ».


Leur Top des applis de recrutement

Illustration d'un bureau non occupé avec un ordinateur portable et un écran - Acquisition de talents - Skills Mag

Marion Cosar, L’École du recrutement

  • HireSweet. « Ce plug in à l’ATS des recruteurs permet de booster la performance du sourcing et la prise de contact avant le stade de la candidature. C’est un outil de prospection assez chouette mais qui demande un process mature. »
  • Yaggo. « Cet outil propose de gérer l’envoi des réponses négatives. Les recruteurs ne dégagent pas de temps pour cette tâche, qu’ils considèrent comme une véritable charge mentale. Hors, le ghosting est rédhibitoire et contre-productif. Au contraire, dire non correctement ne fâchera pas le candidat. Ce service permet aussi d’entretenir un vivier de candidats et de garder le contact avec eux même en l’absence de besoin immédiat. Pour moi, il s’agit d’améliorer le marché du recrutement en général. »

Martin Villelongue, Michael Page

  • Goshaba. « Nous avons trouvé cette solution d’évaluation cognitive des candidats par des mises en situation et de la gamification, hyper-innovante et différenciante. À tel point que nous l’avons mise en place pour le recrutement de nos propres collaborateurs, sur la base d’évaluations sans CV. Pour moi, cela casse les codes des outils d’évaluation classiques tout en respectant tous les critères scientifiques et éthiques pour éviter de créer des biais discriminatoires. »
Tiphaine Ruppert - Skills Mag
Tiphaine Ruppert-Abbadi
Tiphaine Ruppert-Abbadi
Journaliste en presse écrite pendant près de dix ans en France, je travaille désormais comme rédactrice depuis un pays où le soleil brille au moins 300 jours par an. Transmettre et partager l'info, mais aussi les savoirs et les compétences font partie des choses qui m'animent dans le métier que j'ai choisi. Un leitmotiv que je retrouve forcément quand il s'agit d'aborder les questions de formation professionnelle.

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