Le référentiel de compétences est un outil essentiel au pilotage des ressources humaines d’une entreprise. Il constitue même la base de plusieurs démarches à initier dans le cadre de la gestion par les compétences, entre autres la GPEC.
Et bien qu’il demande du temps et de l’organisation pour être élaboré, le référentiel facilite de nombreuses tâches quotidiennes du DRH. Nous vous guidons pas à pas.
Le référentiel de compétences, c’est un peu votre annuaire professionnel à vous. Ici, pas de coordonnées téléphoniques comme dans les Pages Jaunes, mais le détail de chaque métier et compétence exercés au sein de l’entreprise. C’est d’ailleurs son autre nom : le référentiel métiers-compétences.
« Un référentiel de compétences est un document descriptif et normatif qui définit les compétences attendues d’un individu dans un environnement donné. Il en précise les conditions et modalités de mise en œuvre. Il en fixe les conditions et critères d’évaluation », décrit, en des termes plus académiques, Isabelle Cherqui-Houot dans son ABC de la VAE.
Les compétences répertoriées peuvent être techniques ou relever des soft skills, voire des valeurs. Les compétences dites transversales font, de plus en plus souvent, l’objet de référentiels particuliers. Avec cet outil, le prisme n’est plus la fonction mais l’aptitude qui la sous-tend.
Il existe potentiellement autant de référentiels que d’organisations. Cela peut aller d’un emploi précis à la branche professionnelle, via son OPCO, en passant par un service. Loin de concerner le seul monde économique, ce système est également très répandu dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement supérieur, à la première place pour dispenser aux individus leur socle de compétences. Plus le document produit colle aux situations réelles où sont mises en œuvre les compétences, plus il sera pertinent.
Quel est l’intérêt du référentiel de compétences ?
Le référentiel de compétences apparaît ainsi comme l’un des indispensables de la boîte à outils du DRH, en particulier dans les grands groupes où l’ampleur de la masse salariale complexifie la gestion des compétences. Pour autant, les petites entreprises peuvent s’y retrouver. Pour elles aussi, la question reste cruciale et souvent délicate.
D’après la définition du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), cette approche par métiers et compétences poursuit une double finalité. D’une part, l’intérêt est de connaître, dans le détail, les différentes activités d’une entreprise et leurs caractéristiques, de présenter à travers elles sa « singularité », mais aussi, « d’en tirer […] les conséquences pour la redéfinition des “métiers individuels” [des] salariés ». D’autre part, il s’agit d’appuyer les décisions stratégiques et les pratiques des services des ressources humaines.
Concrètement, ce répertoire permet de mesurer l’écart entre les compétences qui existent au sein de l’organisation et celles qui lui sont, ou seront à l’avenir, nécessaires. Il complète le panel d’outils statistiques dont dispose déjà le DRH, notamment pour mesurer la performance.
Dans le cadre d’une GPEC, aujourd’hui appelée GEPP pour gestion des emplois et des parcours professionnels, mais également d’un strategic workforce planning (SWP), une démarche prévisionnelle affranchie des aspects réglementaires, le référentiel sert principalement au diagnostic.
Grâce à ce document, vous pouvez :
- formaliser la cartographie des compétences,
- identifier les besoins de formation en interne,
- identifier les besoins de recrutement,
- rédiger des offres d’emploi pertinentes afin d’éviter les erreurs de casting,
- clarifier les attentes de l’entreprise vis-vis des collaborateurs à travers les fiches de postes,
- optimiser la mobilité interne,
- préparer les entretiens d’évaluation et professionnels à venir.
Montée en compétences des collaborateurs, embauche, validation des acquis de l’expérience et autres leviers de GRH convergent en un seul point : anticiper les évolutions que subiront les entreprises, ainsi que les solutions qu’elles pourront y apporter. À l’échelle de la branche professionnelle, cet outil prospectif permet aussi d’établir les certifications.
De son côté, France stratégie, auteur d’un rapport sur le sujet, insiste sur l’importance d’un langage commun entre les différents acteurs dans l’entreprise. La rédaction de référentiels en pose les fondements. « Les référentiels […] sont des outils essentiels pour objectiver et partager les concepts », que constituent les compétences.
Comment construire un référentiel de compétences ?
Rigoureux, simple à s’approprier et à utiliser par l’ensemble de l’unité concernée, évolutif en temps réel… Vous l’aurez compris, bâtir un référentiel de compétences ne s’improvise pas. Voici les grandes étapes de sa construction.
Étape 1 : Établir le cadre
Pour commencer, les ressources humaines doivent circonscrire le référentiel. Le DRH que vous êtes doit s’interroger sur ses finalités. « À quoi et à qui va servir ce document ? », « Comment les résultats seront-ils utilisés ? », constituent le type de questions auxquelles il faudra répondre pour fixer les objectifs et définir, en conséquence, son périmètre.
Ce dernier peut s’étendre à un seul poste, à tout un service et aux différentes fonctions qui le composent, voire à l’ensemble de l’entreprise. Attention, plus le périmètre est large, plus le travail sera long et lourd à mener.
Étape 2 : Constituer une équipe
Votre référentiel a beaucoup plus de chance d’être juste et d’atteindre ses objectifs s’il est co-construit. D’ailleurs, même l’étape précédente peut faire l’objet d’une réflexion collective, afin de savoir quels référentiels il est pertinent de développer.
Les membres de la fonction RH possèdent, bien sûr, une vision transversale des compétences dans l’entreprise, mais les managers et surtout les collaborateurs en ont une connaissance fine et réaliste. Il est important pour ce projet d’inclure ces derniers à vos côtés et à ceux des dirigeants. Vous bénéficierez ainsi de remontées de terrain précieuses. Si le diagnostic porte sur tout un service, veillez à ce que chacun des postes soit représenté.
Étape 3 : Inventorier les compétences clés
Une fois votre équipe constituée, vous pouvez entrer dans le vif du sujet : repérer les compétences essentielles au fonctionnement de l’organisation concernée.
Prenons le cas d’un organe de presse écrite. Pour réaliser le référentiel des compétences de la rédaction, le groupe doit lister les acquis que doivent posséder les journalistes en poste. Par exemple : connaître les différentes étapes de la fabrication d’un journal, maîtriser les différents types d’articles, les standards pour le web ou encore les méthodes d’enquête.
Les aptitudes que le groupe de travail sélectionnera peuvent être réparties en trois groupes : savoirs théoriques, acquis opérationnels et soft skills. Mais elles peuvent aussi être classées par type d’activités : organisationnelles, managériales ou techniques.
L’objectif de cette phase d’inventaire est de fournir un instantané des métiers de l’entreprise ou du service et des compétences à mobiliser pour les exercer correctement.
Cette réflexion peut aussi porter sur les évolutions prévisibles du secteur d’activité. Pour notre rédaction, il peut s’agir d’augmenter le trafic sur le site internet du journal grâce à des contenus innovants, mais aussi revoir certaines pratiques de la rédaction avec de mieux traiter les sujets sur l’environnement pour rester compétitif face aux transitions digitales et écologiques. Quelles connaissances, savoir-faire et savoir-être ces nouveaux défis vont-ils impliquer ? Existent-elles déjà au sein de la rédaction ? Comment y remédier ?
Plusieurs méthodes pour effectuer cet inventaire : l’observation directe des pratiques, le brainstorming ou encore les cartes mentales (mind maps), pour une approche visuelle et décalée.
Étape 4 : Hiérarchiser
L’équipe chargée du projet va ensuite devoir ordonner les compétences identifiées selon leur niveau d’importance mais aussi selon leur niveau de maîtrise.
En effet, pour être profitable, un référentiel de compétences doit être assorti de critères d’évaluation permettant aux RH et aux collaborateurs de savoir ce qui est attendu. Cela peut se décliner de la manière suivante :
- Niveau 1 : Le collaborateur possède les notions de base.
- Niveau 2 : Le collaborateur témoigne d’une pratique autonome de la compétence.
- Niveau 3 : Le collaborateur maîtrise entièrement la compétence.
- Niveau 4 : Le collaborateur est expert dans son domaine de compétence. Il peut éventuellement devenir une personne ressource.
Étape 5 : Réaliser
La dernière étape consiste à rédiger et mettre en forme le document. La représentation visuelle du référentiel, le plus souvent un tableau, doit être claire, lisible et appréhendable simplement par les différents acteurs de l’entreprise.
Pendant longtemps, le tableur Excel fut l’outil-roi en la matière. Depuis, d’autres solutions ont fait leur apparition pour permettre une maintenance dynamique et agile de l’outil. Le référentiel ne doit pas être figé mais s’adapter aux mouvements de l’entreprise, presque en temps réel.
Certains logiciels ou plateformes en ligne permettent même aux collaborateurs de notifier et d’auto-évaluer des compétences dès qu’ils en ont acquis de nouvelles. Ce fonctionnement participatif donne à chacun la possibilité de se sentir impliqué.
Exemple de référentiel de compétences
Il existe plusieurs formes de référentiel. Le traditionnel fichier Excel se maintient, mais de plus en plus d’organisations optent pour des interfaces plus intuitives, comme les cartes mentales et heuristiques qui offrent l’avantage de matérialiser les liens d’interdépendances entre les différents éléments.
Le modèle de référentiel que nous proposons ci-dessous reprend l’exemple de la rédaction d’une entreprise de presse écrite, utilisé plus haut. Il ne s’agit ni d’un document existant ni officiel, mais bien d’un spécimen conçu pour les besoins de cet article à partir d’informations recueillies sur le web et de nos propres connaissances. Les missions et compétences ne sont pas exhaustives.
T. R.-A./Skills Mag/Visuel réalisé avec Canva.
Pour vous inspirer dans votre démarche, vous pouvez également consulter des modèles de référentiels réellement mis en œuvre par des organisations, tel que celui de la Bibliothèque nationale française, en format catalogue, les fiches de l’Observatoire prospectif des métiers de l’intersecteur papier & carton, ou encore cette mind map consacrée au domaine de l’éducation spécialisée. À vous de choisir le meilleur support pour votre entreprise.
Questions-réponses : le référentiel de compétences
Vous voilà parés pour initier et piloter l’élaboration d’un référentiel métiers-compétences au sein de l’entreprise pour laquelle vous travaillez. Enfin, presque. Voici les dernières réponses aux questions que vous pourriez vous poser.
Quelle est la différence entre référentiel de compétences et cartographie des compétences ?
La distinction peut paraître subtile. Tous deux sont des outils forts utiles pour piloter les ressources humaines d’une entreprise. Quand le référentiel inventorie, la cartographie matérialise visuellement la compétence individuelle et/ou collective. Elle permet d’en mesurer plus facilement l’impact au sein de l’organisation. Elle découle du référentiel, qui est donc à établir préalablement.
Quelle est la différence entre référentiel de compétences et fiche de poste ?
Là encore, il n’est pas toujours évident de faire la part des choses. Il s’agit pourtant de deux documents différents aux objectifs bien distincts. Pour schématiser, la fiche de poste, c’est en quelque sorte une fiche signalétique. On y trouve toutes les informations concernant un emploi : intitulé, relations hiérarchiques et opérationnelles, compétences requises, missions, salaire. Elle aide le collaborateur à comprendre son travail et le manager à l’évaluer.
Le référentiel, lui, est un registre. Il se base notamment sur les informations contenues dans les fiches de postes pour apporter une vision d’ensemble des savoirs et aptitudes à mobiliser pour exercer chaque métier de l’entreprise, dans le présent et à l’avenir.
Quel est le lien entre référentiel de compétences et référentiel de formation ?
Cette relation est extrêmement étroite. Une fois encore, le référentiel de compétences fait office de matrice. À partir de celle-ci, le responsable formation peut rédiger un référentiel de formation, puis un plan de développement des compétences, auparavant appelé plan de formation, dans le but de proposer les parcours les plus adaptés et les plus pertinents aux salariés. Une action de formation est toujours plus utile si elle est rattachée à des compétences que l’apprenant souhaite ou a besoin d’acquérir pour exercer sa fonction actuelle ou s’il brigue un nouvel emploi.
Avec l’intelligence artificielle, le référentiel de compétences est-il toujours utile ?
Oui, estime Jean-Baptiste Audrerie, psychologue organisationnel. Pourquoi ? Parce que cette technologie a besoin d’apprendre, de s’entraîner. C’est le principe du machine learning. Sans données hautement qualifiées, comme celles que l’instauration d’une GPEC, par exemple, demande de compiler, l’IA ne peut pas faire grand chose. « Avec un référentiel unificateur de la gestion des talents, l’IA pourrait mieux apprendre et mieux corréler les compétences et les comportements avec les activités organisationnelles des Hommes », écrit l’auteur du blog Futurstalents.