Encore trop peu connue malgré ses deux décennies d’existence, la VAE est pourtant un outil de choix dans l’élaboration d’une stratégie de pilotage RH par les compétences. C’est d’autant plus vrai pour la VAE collective, auxiliaire d’une gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels.
Créée il y a pile vingt ans, la validation des acquis de l’expérience (VAE) confirme sa légitimité : faire reconnaître ses aptitudes professionnelles pour les valoriser sur un marché de l’emploi désormais tourné vers la compétence.
Paradoxalement, dès 2016, l’essoufflement du dispositif était déjà pointé du doigt, avec une baisse de tous les indicateurs, y compris du nombre de participants ayant achevé leur parcours. Réformée en 2017, la VAE s’apprête à l’être une nouvelle fois aujourd’hui. Début octobre, l’Assemblée nationale a, en effet, appuyé la transformation de la validation des acquis de l’expérience proposée par Carole Grandjean, la ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels. Objectif affiché : donner à la VAE un second souffle et la rendre plus attractive.
Si vous faites partie de ceux qui la découvrent, voici en quoi consiste la VAE dans sa dimension collective, comment elle complète les formations plus traditionnelles, quels en sont les nombreux bénéfices et les bonnes pratiques à adopter pour les mettre en œuvre dans votre entreprise.
Qu’est-ce qu’une VAE collective et en quoi est-ce différent d’une VAE classique ?
La VAE collective est un moyen, pour une entreprise, de faire reconnaître les compétences d’un groupe de collaborateurs. La reconnaissance s’appuie sur les expériences professionnelles mais aussi sur les aptitudes développées personnellement, à l’occasion de missions de bénévolat, notamment.
Ce dispositif est certifiant. Cela signifie qu’à l’issue du processus, les candidats reçus obtiendront un diplôme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle. « Chaque ministère gère ses propres certifications. Un candidat qui souhaite valider un master passera par l’université et dépendra de celui de l’Enseignement supérieur », précise Céline Le Rest, coordinatrice au sein du Dispositif académique de validation des acquis de Paris. Le DAVA est un réseau national qui valide, dans le cadre de la VAE, les diplômes de l’Éducation nationale du CAP au BTS, des métiers de l’éducation spécialisée et de la comptabilité. En plus de sa casquette de certificateur, elle porte aussi, parmi d’autres prestataires, celle d’accompagnateur.
Cette démarche est accessible à tous, peu importe l’âge, le genre, le statut, le poste, le niveau de qualification initial… Deux conditions seulement pour être éligible : justifier d’au moins une année (soit 1607 heures) d’expérience et que celle-ci soit en rapport direct avec le titre visé.
Un projet se décompose en quelques grandes étapes. Céline Le Rest nous en a résumé le déroulement lors d’un accompagnement par le DAVA de Paris.
- L’analyse du besoin de l’entreprise : « Nous interrogeons l’entreprise sur ses objectifs à travers cette VAE, les diplômes qu’elle cible, le profils des candidats… ».
- L’information des salariés pour leur permettre de comprendre en profondeur de quoi il s’agit : « Plus le candidat [connaît] l’ampleur du projet, plus il sera en mesure de s’engager ».
- La constitution des dossiers de recevabilité, le Livret 1. C’est à cette étape que le candidat sera fixé sur sa participation à la VAE collective : « Nous vérifions surtout l’adéquation entre l’expérience et les exigences du diplôme. Nous organisons des ateliers d’aide à la recevabilité ».
- L’accompagnement : « Les candidats alternent ateliers collectifs et entretiens individuels avec le référent du groupe. Ils bénéficient aussi d’un rendez-vous de deux heures avec un enseignement, expert du diplôme et de la discipline choisis. Ils sont aussi accompagnés sur la rédaction du dossier de validation (Livret 2), très cadrée, à travers des ateliers méthodologiques et, parfois, d’écriture. Ce n’est pas toujours facile d’écrire sur son parcours professionnel ».
- L’examen du dossier : « Nous transmettons les Livrets 2 à la Maison des examens qui organise ensuite les entretiens avec le jury composé de représentants du monde professionnel et d’enseignants ».
VAE collective et individuelle : quelles différences ?
Beaucoup d’éléments rapprochent les VAE individuelle et collective, à commencer par leur finalité : permettre aux bénéficiaires, salariés ou en recherche d’emploi, d’obtenir une certification valorisant leur pratique d’un métier et de faire évoluer leur parcours professionnel.
Dans les deux cas, les personnes peuvent briguer des diplômes de niveau 5, tels le BTS ou le DUT, de niveau 6 comme la licence, ou de niveau 7, équivalent à un master. Quarante titres sont actuellement accessibles.
D’autres points, en revanche, les distinguent. Notamment, l’esprit de la démarche. La VAE individuelle émane d’une volonté personnelle, même si l’entreprise peut l’appuyer.
Pour financer la valorisation de ses compétences de manière isolée, le bénéficiaire peut, entre autres, mobiliser son compte personnel de formation (CPF). C’est donc la Caisse des dépôts et consignations qui, dans la limite des droits épargnés, prend en charge le processus. Le collaborateur peut, en outre, solliciter un congé VAE.
La VAE collective, quant à elle, fait partie des outils de gestion des ressources humaines que l’entreprise peut déployer, de même que les approches prévisionnelles de type GPEC/GEPP ou la pyramide des âges. C’est l’employeur qui impulse la dynamique et propose à un groupe de collaborateurs d’y prendre part, afin de préparer une seule ou plusieurs certifications.
Afin d’identifier les certifications et les participants pertinents, il peut être utile de s’appuyer sur le référentiel de compétences, support phare de l’ensemble de vos diagnostics en matière de compétence. La VAE s’inscrit alors dans le cadre du plan de développement de compétences (PDC), qui regroupe l’ensemble des actions de formation initiées par l’entreprise. Comme pour chaque formation proposée dans le PDC, les collaborateurs sont libres d’accepter ou refuser.
Il revient alors à l’organisation de s’acquitter des frais afférents : l’examen du dossier de recevabilité, l’accompagnement à la préparation du diplôme, l’organisation de la session d’évaluation, la prime de panier et le transport. Bien sûr, elle doit aussi assumer le salaire des participants.
Les structures de moins de cinquante salariés peuvent bénéficier d’un financement par leur opérateur de compétence et, dans le cadre d’une transition collective (Transco), « l’État prend en charge la rémunération et les frais pédagogiques proportionnellement à la taille de l’entreprise », indique le portail gouvernemental en ligne dédié à la VAE.
Voir aussi : Le financement de la formation en entreprise par le dispositif FNE-Formation
Autre différence : la durée du processus. Bien que les étapes concordent, celle-ci change sensiblement. Il faut compter, en moyenne, trois à six mois pour une démarche groupée, contre environ neuf mois pour une VAE individuelle.
À noter que la VAE collective peut être instaurée en interne ou bien concerner les salariés de plusieurs entreprises appartement à la même branche professionnelle.
Les enjeux de la VAE collective pour les salariés
Pour les employés, s’inscrire et mener à bien un projet de VAE est un puissant outil de reconnaissance. Être reconnu officiellement dans son travail est primordial, en termes d’estime de soi, de confiance et de motivation, mais aussi en matière de carrière. C’est d’ailleurs un bon moyen de prendre du recul sur celle-ci et d’en dresser un bilan. Des évolutions sont peut-être souhaitables ? Un niveau minimum peut, toutefois, être requis pour accéder à certaines formations professionnelles et :
- accroître ses compétences dans un domaine que l’on maîtrise déjà,
- élargir ses aptitudes, notamment comportementales en misant sur les soft skills,
- se porter volontaire à la mobilité interne.
Participer à un projet de VAE permet de répondre à cette problématique.
Le dispositif peut, bien sûr, s’avérer utile à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur de l’entreprise, pour envisager une reconversion ou la reprise des études.
Lorsque la VAE est collective, les salariés bénéficient aussi de la force de l’émulation du groupe. Il est plus facile de rester concentré sur un objectif et déterminé à l’atteindre lorsque l’on est plusieurs dans le même bateau. Cette aventure commune limite les abandons en cours de route.
Qu’il s’agisse d’un accompagnement méthodologique pour préparer sa soutenance devant le jury ou alors à la rédaction de son dossier de recevabilité, le candidat reçoit non seulement le soutien de son référent, mais profite également des conseils donnés aux autres membres du groupe. C’est un espace de partage d’informations et de pratiques.
Les enjeux de la VAE collective pour les entreprises
Pour les organisations, les bénéfices de la VAE collective ne sont pas moins intéressants. Elle figure parmi les leviers stratégiques de développement. Ce n’est pas pour rien si de grands groupes – Orange, Carrefour, Michelin, Partouche, Air France, entre autres – s’en sont emparés.
Elle contribue à installer durablement une stratégie de management basée sur les compétences, en favorisant leur accroissement. Un enjeu fondamental pour les entreprises du futur, plus encore que pour celles d’aujourd’hui.
Elle permet au responsable des ressources humaines de créer un vivier de candidats pertinents à la mobilité interne, une solution partielle qui peut, par exemple, être menée en parallèle d’un recrutement grâce au soft skills.
À l’heure où la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel entérine la responsabilité morale et financière de l’employeur vis-à-vis de ses employés, concernant leur employabilité et le développement des compétences, elle permet à l’entreprise d’optimiser la formation. Elle constitue en effet une action de formation continue à part entière. Cependant, si le diagnostic initial met au jour des lacunes risquant d’entraver l’obtention du diplôme, la VAE peut être couplée à un temps d’enseignement. On appelle cela la VAE hybride.
C’est aussi son image, que renforce l’entreprise : la VAE à l’initiative de l’employeur participe à sécuriser le parcours professionnel des collaborateurs en leur offrant l’opportunité de progresser, un argument à prendre en compte dans votre politique de fidélisation.
Enfin, en octroyant de la visibilité sur les compétences obtenues et disponibles à l’échelle individuelle et collective, elle se révèle un instrument au service du dialogue social.
En dépit des nombreux avantages que présente la VAE collective et de la vingtaine de bougies qu’elle a soufflées cette année, elle demeure un dispositif encore méconnu, comme le constate au quotidien Céline Le Rest. « C’est le cas de la VAE en général et par conséquent de la VAE collective », note-t-elle. À titre d’exemple, en 2021, 100 candidats sur les 250 accompagnés par le DAVA Paris, l’étaient dans le cadre d’une VAE collective, pour un total de 5 entreprises. Au niveau national, en 2020, 30 000 dossiers ont été défendus devant un jury. Avec sa réforme, la ministre déléguée vise les 100 000 d’ici cinq ans.
Nos conseils pour une VAE collective réussie
Mettre en place une démarche de validation des acquis de l’expérience engage, tant du côté collaborateur qu’employeur. Voici quelques points de vigilance à garder à l’esprit.
Conseil n° 1 : Informer le candidat dans le détail
Il doit savoir pourquoi il prend part à cette VAE et quelles seront les conséquences sur son poste actuel : va-t-il en changer ? Sa rémunération augmentera-t-elle ? Son statut évoluera-t-il lui aussi ? Autant d’éléments qui l’aideront à se prononcer. Même si la VAE est collective, la démarche d’adhésion reste volontaire.
Conseil n° 2 : Inclure les encadrants
C’est essentiel à la réussite d’un projet collectif. La VAE implique une réorganisation de la vie personnelle et professionnelle du salarié. Celui-ci doit être soutenu par son manager, les ressources humaines et les partenaires sociaux. Il doit, par exemple, pouvoir assister sans problème aux ateliers dans le cadre de l’accompagnement. Le but est d’éviter l’abandon lorsque surviennent les phases de découragement. « Plus il y a de points de soutien, plus le projet est abouti », indique Céline Le Rest.
Conseil n° 3 : Savoir saisir sa chance
Participer à une VAE collective est une opportunité, en particulier parce que le fait de participer à cette aventure commune, faite de collaboration, d’entraide et de solidarité, décuple les chances d’obtention du diplôme préparé. Les salariés doivent la saisir. Sans les forcer, votre travail aux ressources humaines consiste peut-être à comprendre et à aider à lever les éventuels freins qu’ils rencontrent.