En tant que RH, je me suis posée de nombreuses fois la question de l’éthique dans ma carrière. Comme beaucoup j’ai entendu les propos critiques des détracteurs et en parallèle j’ai vu de nombreux RH en souffrance, tiraillés par leurs missions.
Plus récemment, j’ai été en colère en voyant comment certains salariés été traités par leurs managers avec ou sans le soutien de leur organisation… j’ai eu besoin de mettre le sujet à plat.
Et la question méritait un vrai temps de réflexion.
C’est donc mon cheminement intérieur que je vous livre aujourd’hui, j’espère qu’il alimentera le votre. Simple curieux, professionnels des RH, CEO (oui vous surtout) et autre executive members ou managers, cette réflexion est pour vous.
Ce voyage n’a pas vocation à vous offrir une vérité mais à passer un temps inspirant ensemble, autour d’une réflexion partagée.
Pour ceux que les “grandes théoriques” fatiguent un peu, rendez-vous en étape 3.
Etape 1 : L’éthique et la morale, c’est quoi ?
Source : Ordre des conseillers en ressources humaines agréés
Toute bonne question philosophique commence par une définition des termes (et oui je vous propose un retour en Terminale et à votre bac de philo…).
Taquine, j’ai eu envie de mettre sur le ring de la définition deux compétiteurs : le jeune et fougueux, ChatGPT et mon bon vieil ami, Le Littré.
Voici le résultat :
Chat GPT : « Un comportement éthique se définit simplement comme l’ensemble des actions et décisions qui respectent des principes moraux, tels que l’honnêteté, l’intégrité, la justice, et le respect des autres. Il implique de faire ce qui est juste, même en l’absence de surveillance ou de récompense, et de prendre en compte les conséquences de ses actes sur autrui et sur la société dans son ensemble. »
Le Littré : « La science de la morale. Qui appartient à la morale. Préceptes éthiques.«
Nos deux acolytes nous ramènent donc vers la morale. Faisons une pause au pied de l’arbre d’Aristote qui nous dit peu ou prou que la morale répond à la question “que dois-je faire à un moment donné ?”. C’est une question que de nombreux RH se sont posés mais souvent au pied du mur ou à posteriori.
C’est en devenant un homme vertueux qu’on devient en mesure de répondre à cette question. Autrement dit, en évitant deux extrêmes : l’excès et le manque.
Cela nous fait penser aux paroles d’Arnaud d’Hoine qui évoque un rôle d’“architecte de l’équilibre”. Ce concept d’équilibre est centrale dans notre réflexion. Pour le moment, gardons donc de côté le sujet des valeurs morales dites universelles (honnêteté, intégrité, justice, respect) car arrivent d’autres normes dans l’équilibre précaire de l’éthique des RH : le droit du travail.
Etape 2 : le droit du travail, le cadre qui recadre l’éthique du RH
Nous n’allons pas nous attarder ici sur l’existence du droit du travail qui prend ses racines après la Révolution française et se développe au grès des révolutions industrielles, cela sera pour une autre fois. Mais cette fois-ci concentrons nous plutôt sur la vision internationale du travail.
La création de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) en 1919, à pour postulat qu’un traitement décent des travailleurs est indispensable pour garantir une paix universelle et durable.
L’OIT précise d’ailleurs, pour sa propre stratégie RH, que “Le fait d’assurer le plus haut degré possible de respect et d’éthique au travail réduira les risques de comportement inapproprié et de conflit sous quelque forme que ce soit« . Pour ceux qui veulent en découvrir plus toute la stratégie RH de l’OIT rendez-vous à la fin de l’article.
Rappelons-le, l’OIT a notamment eu comme impact de poser certaines normes de référence en matière de réglementation nationale.
A titre d’exemple pratique malheureusement trop peu appliqué par les managers, quand un salarie sous-performe et qu’il n’est plus en période d’essai, on ne s’en sépare pas comme d’un vieux vêtement.
En application des règles de l’OIT mais aussi de sa balance moral et donc de son éthique RH, on prend le temps de lui parler, on clarifie les objectifs et attendus et on lui laisse sa chance. S’il ne sait pas, on lui apprendre.
S’il ne comprend pas, on lui explique. Si malgré cela, il n’y arrive pas, alors on trouve une solution : mobilité interne, départ négocié ou licenciement.
Et ceci s’applique que vous soyez en Europe de l’Est ou de l’Ouest, en Chine ou encore aux Etats-Unis. Et oui, l’éthique RH n’est pas qu’une vision à la française.
Je vous laisse imaginer ma surprise renouvelée au grès des meetings d’équipes quand je réalise que le droit français n’est pas le plus strict !
Etape 3 : l’éthique RH et la réalité du terrain, entre intentionnalité et cohérence
Le droit du travail n’est pas sorti du chapeau : il vise à préserver des équilibres dont on n’a pas toujours les tenants et les aboutissants. En tant que RH, il est temps de ne pas simplement voir les règles que l’on applique mais surtout ce l’éthique qui se trouve derrière.
Prendre des vacances, ça n’est pas que respecter le droit français. C’est aussi donner la possibilité à une personne d’éviter un burn-out, de prendre du recul et de la hauteur, de ne pas sur-investir l’espace de travail et de garder une vie équilibrée, de redevenir patiente, indulgente, créative et mesurée afin d’être en capacité de proposer des idées nouvelles, d’accueillir du feedback et de continuer à soutenir l’entreprise tout en évoluant…
Contrairement à ce qu’on image le droit du travail aide à trancher et rester éthique dans des situations complexes, où émotionnel et rationnel sont entre-mêlés.
La réalité du terrain, c’est que le droit du travail et les bonnes pratiques sont trop souvent mises de côté quand on se retrouve dans des entreprises de moins de 500 salariés. Faute de temps, faute de connaissance, faute de moyens et d’outils mais aussi et surtout faute de RH à qui on laisse la place pour partage sa vision éthique.
En tant que manager, et plus spécifiquement responsable RH, on se retrouve juge et parti. Défendre l’intérêt collectif nécessite parfois de sacrifier les intérêts individuels : ceux des salariés…mais aussi ceux des dirigeants qui peuvent agir à travers leurs insécurités et les pressions mises par les actionnaires.
Comment faire alors pour préserver le bateau au détriment d’un de ses membres ? … au risque de tous couler ensemble. C’est ici que l’éthique du RH rentre en jeux, les règles de droit, le recul et si nécessaire d’appliquer les règles de la gestion de crise.
Les situations sont rarement blanches ou noires. Nombreux sont ceux et celles qui font du mieux qu’ils peuvent, même quand cela ne se voit pas toujours.
Pour aller plus loin : La Stratégie de l’OIT en matière de ressources humaines 2022-2025 décidée par le Conseil d’Administration, novembre 2021
Précédemment sur Skills Mag