Entre start-up et PME, j’ai eu le privilège d’apprendre la gestion de crise en tant que RH dans des situations que certains auraient peine à croire.
Que la crise soit d’origine interne ou externe, liée à un épiphénomène ou à des éléments structurants, qu’elle ait été anticipée ou surprenne, que son impact soit global ou circonscrit, il est capital de garder la tête froide dans sa gestion, surtout quand on est un RH.
Les crises peuvent survenir sous diverses formes : comportement inapproprié d’un salarié, décès d’un collaborateur, crises économiques, sanitaires ou encore crises techniques.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, un élément central lorsque vous serez dans le feu de l’action : restez toujours à l’écoute et sachez vous s’adapter avec humanité.
Après avoir débattu du rôle de la fonction RH, voici quelques astuces concrètes pour appréhender efficacement ces situations et se préparer au maximum.
Mettre en place un plan de gestion de crise en tant que RH
Avant de se jeter à corps perdu dans la création d’un plan de crise lorsqu’on est RH, il est toujours utile :
- de prendre le temps d’analyser la situation, de comprendre et de cartographier les personnes impactées, sur le plan opérationnel, financier, émotionnel ;
- de comprendre si cette situation est irréversible, ou s’il est possible d’en temporiser son effet.
Préparer et anticiper la crise lorsqu’on est RH
La première étape pour gérer une crise en tant que RH est de s’y préparer. Un plan de gestion de crise bien élaboré prévoit :
- Une équipe dédiée pour chaque situation : choisissez parmi les spécialistes, les décideurs et les référents dédiés (référent harcèlement, spécialiste IT, CEO…). Pensez également à intégrer des représentants du personnel. Ce sont des alliés précieux avec une lecture fine de ce qui se passe sur le terrain. N’ayant également pas le même angle de vue que vous, ils auront la possibilité de vous donner à voir des zones d’ombre.
- Des scénari de crise : Identifiez les types de crises possibles et développez des scénari pour chacune. Le plan d’exécution et le plan de communication sont tout aussi importants.
- Des procédures claires : chaque type de crise est différente. Il convient donc d’établir des protocoles de communication et d’action adaptées pour chacune. Profitez que la charge émotionnelle et l’urgence soient absentes pour à minima poser les jalons du futur. Néanmoins, il est souvent difficile de tout prévoir. Prendre le temps à l’issu d’une crise passée pour (re)voir les protocoles permet de capitaliser sur vos expériences difficiles.
En fonction de la probabilité d’occurence ou de la gravité hypothétique des situations, il faut organiser régulièrement des formations et des simulations de crise pour familiariser vos équipes avec les procédures et améliorer leur réactivité.
On pense par exemple à l’alerte incendie où vous aurez au bas mot entre 2 à 3 minutes pour réagir… au-delà, les carottes sont cuites !
En pratique, il est impossible de tout anticiper et inutile de vous culpabiliser. Assurez-vous juste d’avoir un réseau prêt à vous soutenir pour ce type de situation.
La prise de décision rapide : un indispensable dans la gestion de crise lorsqu’on est RH
En cas de crise, il est crucial de réagir rapidement. La cellule de crise doit être activée immédiatement, et des décisions doivent être prises de manière rapide et coordonnée… et en petit groupe pour être efficace.
Le temps ne sera plus aux grandes et longues réunions où chacun peut donner son point de vue. Un groupe de 8 personnes avec un noyau dur de 4 personnes dont un décideur en cas de désaccord est idéal. Plus, c’est trop.
En revanche, réagir à chaud est la meilleure façon de prêter le flanc aux critiques pour la bonne et simple raison qu’on n’aura pas envisagé tous les possibles et conséquences de la dite situation.
Dans certain cas, c’est impossible de faire autrement (pannes techniques majeures, décès). Mais dans la majorité des situations, cela reste possible.
Ça peut sembler évident, mais c’est souvent le conseil qu’on oublie le plus rapidement quand on est en proie à l’émotion sous la pression. En réalité, sont assez peu nombreux les métiers où nous sauvons des vies, et notre réaction instantanée n’est pas vraiment nécessaire. Et même dans les cas les plus graves, quelques heures aident à y voir plus clair… et donc plus juste.
Paradoxalement, il est parfois urgent de ralentir.
Faire bouger les lignes de son organisation !
C’est le mantra de notre communauté de DRH, VP People, HRBP et responsable développement RH – Un Vent Nouveau
Keep it simple
Qu’est-ce qu’on a le droit de dire, de ne pas dire ? Comment est-ce qu’on va dire les choses ? Quel ordre de préséance doit être respecté, et dans quel ordre amener les sujets ?
Une communication claire et authentique est essentielle pour maintenir la confiance. Elle doit répondre aux besoins des interlocuteurs. Les actionnaires, les salariés en CDI ou en CDD n’auront pas du tout les mêmes questions.
- Interne : Informer régulièrement les collaborateurs de l’évolution de la situation et des mesures prises est la meilleure façon de les garder engager et de maintenir le lien. Il est rare de « trop » communiquer.
Elle sera leadé souvent par le Président, DG, DRH pour les sujets transverses.
- Externe : Gérez la communication avec les partenaires, clients, et médias de manière ouverte et honnête…
Même quand il faut aller vite, il est important de respecter l’ordre hiérarchique d’accès aux informations pour s’assurer que les managers seront des relais et recueillir des retours terrains. Concrètement ça donne quoi de façon générale ? Conseil d’administration/Board, Comité de direction, CSE, groupe de managers, équipe concernée, plénière.
Ce faisant, de répétition en répétition devant les différents groupes, vous serez plus complets, pertinents et compréhensibles pour le plus grand nombre. Loin d’être inutiles, la répétition vous donne un ancrage, nous permet, vous aussi, de prendre une distance émotionnelle saine et de rassurer.
Anticiper les questions qui viendront et intégrer les réponses de celles qui ont été posées dans les étapes suivantes est un gage de succès.
La gestion des crises humaines en tant que RH
Elles sont de plusieurs types et sont toutes terribles : décès et harcèlement.
Je ne traite volontairement pas le cas de la perte d’un proche pour laquelle je tendrai à vous dire : donner du temps et de l’espace au collaborateur, recommandez leur de se faire accompagner par des professionnels.
Décès d’un Collaborateur
Le décès d’un collaborateur est une situation particulièrement douloureuse.
Pour réfléchir à la gestion de ce drâme, il est important de garder en tête les nuances liées au condition dans lesquelles il s’est passé.
L’évènement a-t-il eu lieu sur le lieu de travail ? En présence d’autres collaborateurs ? Ont-il été impliqués directement et de quelle façon ? Quel était son impact sur l’activité de l’entreprise ?
Une fois ce mapping fait, n’oubliez pas que vous pouvez vous faire accompagner : la médecine du travail, la mutuelle, les assureurs, des psychologues du travail spécialisé sur le travail du deuil sont de très bon conseil.
À l’époque, notre mutuelle nous avait accompagné et grandement aidé.
Gardez aussi à l’esprit que les dirigeants, managers et équipe RH ne doivent pas se substituer à un psychologue. Ils sont souvent en première ligne et auront aussi besoin de soutien mental.
- Soutien aux employés : Offrez un soutien psychologique aux collègues du défunt, aux salariés qui le ou la connaissaient depuis longtemps et qui auraient évolué et changé de service, aux managers qui gèrent la crise… nombreux sont ceux qui disent ne pas en avoir besoin, ne les écoutez pas.
À garder en tête pour ne pas perdre trop de temps : il y a de nombreuses personnes dans le domaine de l’accompagnement. Des réseaux de praticiens libéraux, des lignes d’écoute gratuites avec des personnes exceptionnelles de l’autre côté (le père Noël est une ordure ne leur rend clairement pas hommage), la médecine du travail souvent saturé mais de bon conseil, des associations spécialisées…
- Communication respectueuse : Annoncez la nouvelle de manière sensible, en respectant la vie privée de la famille. Cela peut tomber sous le sens mais ils doivent être impliqué à la mesure de ce qu’ils le souhaitent. Différentes cultures ont différents rites et dans ces moments là il est crucial d’anticiper ces aspects pour tomber juste. Les fleurs ne sont pas du goût de tous.
- Rituels de deuil : Organisez des moments de recueillement ou des cérémonies en hommage au collaborateur. La prise de parole est parfois voulu, parfois trop difficile. Respectez cela. Vous pouvez aussi organiser un livre de condoléances électronique qui permettra aussi de ceux qui souhaitent rester dans l’anonymat ou de partager une photo plus qu’un mot de de pouvoir le faire. Ils sont aussi un bon outil pour honorer le défunt, sans perturber plus sa famille.
Cas de Harcèlement
Cas en apparence moins dramatique, les cas de harcèlement peuvent avoir des conséquences psychologiques et organisationnelles désastreuses.
Sa gestion nécessite une approche rigoureuse :
- Prévenir plutôt que guérir : formez vos managers, vos dirigeants et tous les membres de votre CSE, sensibilisez 100% de vos collaborateurs. Ce faisant, vous serez en capacité de réaliser quels comportements peuvent être les prémices du harcèlement… et donc en capacité de les détecter et d’y mettre fin. En libérant la parole, vous créerez un espace de confiance, permettant aux potentielles victimes d’alerter en temps utile.
- Aiguiller : En créant de la documentation accessible, vous donnerez aussi la possibilité aux collaborateurs en détresse de savoir comment réagir. Désignez un ou plusieurs référents, réitérez le rôle des RH en la matière.
- Enquête immédiate : dès qu’un collaborateur/collaboratrice rapporte un fait aux RH ou à un manager, commencez par vous questionner. S’agit-il d’un événement isolé ? Aviez-vous connaissance de comportement antérieur ? Prenez le temps de vous informer sur son état et sollicitez un entretien. Lors de cet entretien, vous pourrez proposer à la personne qui vous relate les faits de déposer une plainte formelle. A partir de là, vous pourrez mettre en place une enquête formelle. Sans cela, vous devrez vous contenter d’échanger avec les présumés témoins et la personne mise en cause.
L’enquête doit être rigoureusement cadrée. Faites vous appuyer d’un membre du CSE pour garantir la neutralité des échanges, qui seront retranscrits et idéalement signé par les déclarants. A partir de là, vous serez en mesure d’accumuler de l’informations à partir de laquelle vous prendrez une décision. Vous serez confronté au cas où le CSE n’existe pas ou encore à celui où les déclarants préfèrent garder l’anonymat. Ne vous découragez pas et menez quand même votre enquête. Dans tous les cas, il est important de réagir.
A titre indicatif, aux UK, 7 jours est considéré comme déjà presque trop long pour réagir. Ne perdez pas de temps.
- Mesures disciplinaires : Appliquez des sanctions appropriées en cas de confirmation des faits. Pour cela assurez-vous que votre règlement intérieur est bien à jour : Avertissement, mise à pied disciplinaire ou licenciement en fonction de la gravité des faits. Dans tous les cas, le geste que vous poserez donnera le cadre de l’espace de sécurité de l’entreprise.
- Prévention : Renforcez les politiques anti-harcèlement et sensibilisez régulièrement les équipes.
Anecdote … lors des formations, il arrive souvent que certaines personnes réalisent l’impact de leurs blagues. Le propos n’est pas de vivre dans un monde tout lisse et bien pensant mais de faire attention aux autres. Nous avons tous nos histoires, notre culture, nos sensibilités…et elles sont toutes autant légitimes. Une fois cela compris, c’est en réalité la place à un monde plus tolérant.
Anecdote bis… un jour ma collaboratrice vient en 1:1 un peu remuée. Et pour cause. Le nouveau, après l’avoir dévisagée de pied en cape, lui avait demandé où elle allait habillé comme ça et si elle était disponible. Après un premier recadrage avec la manager et des excuses de sa part, le voilà qui recommence une semaine après. Le réfléchissez pas trop une fois que le cadre a été posé. La période d’essai fut courte.
La gestion des crises économiques et techniques en tant que RH
Crises Économiques et Restructurations, quelle gestion pour le RH ?
Les crises économiques nécessitent des décisions difficiles mais nécessaires pour la survie de l’entreprise. Transformation du marché, perte de business, pivot d’activité… soyez clairs et sincères dès le départ, avec toutes les parties prenantes de l’entreprise.
- Analyse approfondie : Évaluez rapidement l’ampleur de la crise et ses impacts sur l’entreprise. Si vous sentez qu’une part vous échappe, n’hésitez pas à vous faire aider de consultants externes en finances et en RH. Cela vous permettra d’avoir une vision plus clair rapidement. Définir les chaines de création de valeurs, l’état des lieux des process, des charges et des opportunités est capital.
- Réorganisation stratégique : Redéfinissez les priorités et ne gardez que ce qui a un impact, réduisez les coûts, et explorez de nouvelles opportunités de marché. Explorez les possibilités de report de charge avec les régimes de mandat ad hoc, de sauvegarde voire de redressement judiciaire si vous devez en arrivez là. Si un plan social s’impose, ne faites pas l’économie de vous faire accompagner par des avocats. Des consultants externes seront moins émotionnellement affectés et donc d’une grande aide pour soutenir les équipes internes.
- Accompagnement : Soutenez les employés affectés par les restructurations et les managers en ne négligeant pas les risques psycho-sociaux … autrement dit l’angoisse de se retrouver dans le flou. Donc communiquez ! Sur les causes des changements, sur leur étendu, les échéances et également les zones de flous que vous aurez à clarifier. Restez accessibles individuellement pour que tout un chacun se sente libre de venir vous poser ses questions. Ce sont bien souvent des portes-paroles courageux qui relaieront les informations partagées.
Crises Techniques, quelle gestion pour le RH ?
Les pannes techniques ou les incidents informatiques peuvent paralyser une entreprise :
- Plans de continuité : Disposez de plans de continuité et de reprise d’activité pour minimiser les interruptions.
- Équipes de réponse : Constituez des équipes techniques prêtes à intervenir rapidement en cas d’incident. Des équipes d’astreintes et des référents métiers vous changeront la vie. Mieux vaut cadrer tout cela en amont que de se retrouver à négocier avec un collaborateur un week-end pour sauver la mise en ligne d’un site de e-commerce.
- Communication proactive : Informez les clients et partenaires des actions mises en place pour résoudre le problème.
Apprendre de la gestion de crise en tant que RH
Évaluation Post-crise
Une fois la crise résolue, prenez le temps d’évaluer la gestion de celle-ci :
- Retours d’expérience : Organisez des réunions pour recueillir les retours des équipes et analyser les points forts et les faiblesses de la gestion de la crise. Pas de place pour l’égo ici : une gestion de crise est toujours difficile et imparfaite. Chacun fait de son mieux et c’est parfois insuffisant. Ne vous inquiétez pas… vous aurez d’autres occasions de mieux faire ! Alors consignez collectivement vos réflexions pour plus tard et vous en ressortirez grandis.
- Amélioration continue : Ajustez les plans de gestion de crise en fonction des leçons apprises pour être mieux préparé à l’avenir.
Documentation et Formation
Documentez les actions et décisions prises durant la crise et utilisez ces informations pour former les nouveaux employés et améliorer les processus internes.
Conclusion
La gestion de crise en entreprise est un exercice complexe qui nécessite préparation, réactivité, et communication.
En suivant ces astuces concrètes, les entreprises peuvent mieux appréhender les situations de crise, protéger leurs collaborateurs, maintenir la confiance de leurs partenaires, et en sortir plus fortes et résilientes… et pourquoi pas créer des chaines de décisions plus performantes pour les temps calmes.
Précédemment sur Skills Mag
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